Les enfants d'Asperger by Edith Sheffer

Les enfants d'Asperger by Edith Sheffer

Auteur:Edith Sheffer [Sheffer, Edith]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782081473089
Google: HKOLDwAAQBAJ
Éditeur: Flammarion
Publié: 2019-03-25T23:00:00+00:00


Plus funeste, peut-être, fut l’affrontement entre Elfriede et une infirmière du service la veille de l’examen conduit par le médecin-chef. D’après un rapport manuscrit, les enfants du service avaient à cœur de se montrer sous leur meilleur jour pour l’examen. Ils avaient raison étant donné les répercussions du jugement des médecins. Pour faire bonne impression, Elfriede demanda à une infirmière de lui couper ses longues tresses. Cette dernière se plaignit qu’après les refus répétés qu’elle lui avait opposés, Elfriede « sortit soudain de la salle de bains, les tresses coupées », et qu’elle « courut frénétiquement en tous sens, comme une folle, se cacha de moi »65. On se demande comment cet incident aura affecté le rapport de l’infirmière, ce que le médecin évaluateur aura vu chez Elfriede et à quoi auront ressemblé ses cheveux au moment du rendez-vous qui scella selon toute probabilité son sort.

Le service d’Asperger ne posa pas de diagnostic psychiatrique. Les caractéristiques importunes chez Elfriede, comme chez Margarete et Christine, furent mises sur le compte des menstruations. Parce que les problèmes d’Elfriede, en particulier les fugues, étaient « devenus spécialement flagrants depuis la puberté », Dr Rohracher décida « une observation prolongée avec effet immédiat pour la durée de la puberté ». Non seulement « une surveillance totale de la fille [était-elle] absolument nécessaire », mais il était en outre possible qu’Elfriede requière en fin de compte « une thérapie hormonale »66.

Dans le jargon de la psychiatrie nazie, Rohracher jugea Elfriede inéducable. Elle mit en garde : « La fille représente un fardeau important pour les éducateurs [et ne répond tout simplement pas aux] exigences éducatives. » Bien que son dossier ne dise rien sur son intelligence, Rohracher avait le sentiment qu’une scolarité serait inutile dans son cas. Le médecin était d’avis qu’il n’était « pas recommandé de la placer dans une institution scolaire »67. Un diagnostic de non-éducabilité indiquait qu’elle serait un poids pour la communauté nationale, ce qui faisait passer un enfant de la voie de la remédiation à celle de l’élimination. Effectivement, sept semaines seulement après l’arrivée d’Elfriede, Rohracher signa son transfert au Spiegelgrund – en précisant « service du Dr Illing », l’homme chargé des meurtres68.

Elfriede eut un pressentiment pendant son séjour dans le service. Elle avait terriblement peur de l’endroit où on pouvait l’envoyer. Elle écrivit à son oncle Ferdinand : « Je ne te dirai qu’une chose, nous ne nous reverrons pas. Et ceci est la toute dernière lettre que tu recevras de moi, je suis vraiment désolée. » Elle écrivit également une lettre d’adieu à sa mère pour la prévenir : « [Il s’agit] peut-être même du tout dernier courrier, car je ne sais pas si on va se revoir un jour. Parce que je ne sais pas si je ne vais pas mourir pendant ce voyage. »69 Sachant que les deux lettres sont encore dans le dossier d’Elfriede, il est probable que le service d’Asperger ne les envoya jamais à ses proches avant de la transférer au Spiegelgrund.

Margarete connut une épreuve plus éprouvante encore.



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